28. févr., 2014

Texte

Carière de Adamo

 

50 ans de carrière, 500 chansons, plus de 100 millions de disques vendus à travers le monde… On pourrait continuer ainsi à énumérer les records et les statistiques, mais Salvatore Adamo a toujours préféré les lettres aux chiffres, les notes aux comptes. Celui que Jacques Brel surnommait « le tendre jardinier de l’amour » continue de cultiver avec passioncet intime verger poétique dont il a su rendre les fruits universels. Un jardin à la fois public et pudique. Car s’il chante l’amour, l’amitié ou la fraternité, c’est avec ses mots à lui, ceux d’un amoureux de la langue française, même s’il interprète ici deux titres en anglais et en italien, d’un chantre délicat des émotions chantournées. Et ce 23ème album studio, intitulé « La grande roue », deux ans après le succès de « De toi à moi », certifié disque d’or, renferme une nouvelle fois ces émouvantes pépites dont l’orfèvre Adamo a le secret.

Enregistrées sous la houlette du réalisateur François Delabrière (Marc Lavoine, Daniel Darc, Pascal Obispo), voici donc douze nouvelles chansons, sans duos ni reprises, sans fardsni méprise. Douze chansons habillées d’accords à cœur et de cordes accortes par ces grands couturiers que sont Stanislas, Fred Pallem, Jean-François Berger ou David Hadjadj. Douze chansons qui parlent d’amour, bien sûr (« Cher amour », » La fête », « Ton infini »), d’amitié, évidemment (« Je vous parle d’un ami »), mais aussi de souvenirs heureux (« De belles personnes », « Ricordi », « Golden Years ») ou de bilans lucides (« L’homme triste », « Tous mes âges »).

A l’image du titre de l’album : « La grande roue », c’est celle de la vie qui va, du destin qui tangue et parfois dérape (« Alan et la pomme »), de la nostalgie qui souvent nous hante, des sentiments qui jamais ne s’effacent. Une invitation au rêve, un constat d’une infinie tendresse.

Les chansons de l’album, vues par Salvatore Adamo :

La grande roue

L’image du hamster vient d’un ouvrage de Bernard Werber, « Nos amis les humains ». La chanson évoque les contradictions de l’homme, son désir de se transcender, d’aller vers le spirituel, et tout ce qui fait qu’il va exactement à l’encontre, parfois vers la barbarie. Nous sommes obligés de constater qu’on peut encore s’entretuer au nom d’un Dieu. J’avais écrit une chanson sur ce thème, il y a une quinzaine d’années, qui disait « Dieu du ciel qui te prétend amour, pourquoi tant de haine en ton nom ? » On en est encore là.

Tous mes âges

On m’a offert un jour un bracelet hindou, constitué de fils de soie colorés. L’idée m’est venue d’associer ces couleurs différentes à chaque âge de la vie. Je me surprends parfois à rester adolescent devant certaines choses et à me sentir plus mûr que je ne l’aurai cru devant d’autres. Notre vécu nous enrichit, il faut se nourrir du passé pour aller plus loin. Je peux garder l’illusion d’avoir conservé une forme de jeunesse. Quand on est artiste, le public vous l’autorise et vous le réclame même.

Cher amour

Je la dédie à Bernard Giraudeau. Je l’avais d’abord écrite en anglais, « My dear love », et quand je l’ai traduite, je me suis aperçu que le titre français était aussi celui du magnifique roman de Giraudeau, « Cher amour ». Je n’ai pas vraiment connu Bernard, nous nous sommes croisés quelques fois, mais je sentais que nous avions des affinités, que nous aurions pu être amis.


La fête

Il n’est pas forcément besoin de respecter le calendrier pour faire la fête, on peut en improviser pour toutes sortes de motifs. Stanislas, qui a arrangé cette chanson, a réussi à marier deux orchestres, un petit orchestre de rue et un grand, quasi symphonique.


Je vous parle d’un ami

Une chanson qui me tient particulièrement à cœur, dédiée à mon cousin Fredo. Pendant plus de 40 ans, il a été mon road manager, ma nounou, mon cuisinier, mon confident, mon ami. J’espère que l’hommage est digne de lui.


L’homme triste

Le texte est à la troisième personne, mais il y a un peu de moi dans cette chanson. Ce texte est surtout dédié aux hommes et aux femmes, membres d’ONG ou pas, qui vouent leur vie à soulager les plaies du monde. Pourtant, je n’irais pas jusqu’à me qualifier d’homme triste, même si, parfois, cette tristesse peut me tomber dessus. En tant qu’ambassadeur de l’Unicef, j’ai vu des choses terribles, en Afghanistan, au Kosovo. Parfois, j’ai eu presque honte d’être aussi bien nanti. Mais la chanson se termine par une note d’espoir. On peut être confronté à de grandes désillusions et malgré tout continuer d’y croire.


De belles personnes

Un jour, je faisais des courses dans un supermarché et, au moment de payer, on m’a dit qu’il n’y avait plus de caissières, qu’elles avaient été remplacées par des machines. Cela m’a choqué. Dans cette chanson, j’ai voulu évoquer des souvenirs d’une période bon enfant, une époque où l’on avait l’impression que le pire était derrière nous…


Ricordi

« Souvenirs », en italien. Elle est née pendant une séance photo pour la pochette de mon album « La Part de l’ange ». Nous étions à Caltagirone, une ville sicilienne célèbre pour son escalier de 140 marches, toutes décorées de mosaïque bleue. Cela m’a rappelé celui de ma rue natale, à Comiso : quand je le gravissais, j’avais l’impression de grimper jusqu’au ciel.


Ton infini

J’ai voulu, vieux jeu que je suis, faire comprendre que même dans l’acte magnifique qu’est l’acte d’amour, il ne faut surtout pas perdre ce quelque chose de plus, qui nous dépasse. J’ai essayé de le suggérer, de ne pas être impudique, profitant du très bel alibi qu’offre la poésie…


Le souvenir du bonheur

C’est aussi le titre de mon roman, publié en 2001 : le souvenir du bonheur est encore du bonheur…


Alan et la pomme

Encore une chanson que je dois à la lecture de Bernard Werber. J’y ai découvert l’histoire d’Alan Turing, un mathématicien britannique, pionnier de la science informatique, célèbre notamment pour avoir réussi à déchiffrer le fameux code Enigma, utilisé par les nazis pendant la seconde guerre mondiale. Alan Turing était homosexuel, et malgré ses mérites, il a été pourchassé, martyrisé, traîné devant les tribunaux. Il a fini par se suicider, en 1954, en mangeant une pomme empoisonnée au cyanure. On prétend même que le logo de la marque Apple vient de là…


Golden years

L’idée de cette chanson m’est venue à l’écoute d’un morceau du groupe de folk canadien Timber Timbre, que m’a fait découvrir Benjamin, mon fils cadet. J’ai voulu retrouver l’ambiance musicale des années soixante, avec l’énergie d’aujourd’hui. La chanter en français aurait été à la limite du sirupeux. Dans le texte, j’en profite pour régler quelques comptes avec l’âge : maintenant que nous avons fait ce qu’il fallait pour que nos enfants aient tout ce dont ils ont besoin, devrions nous nous taire et attendre ? Nous avons encore besoin d’enthousiasme et nous savons que cela prend toute une vie pour être jeun